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Dans la veine de récits portés à l’écran par ses compatriotes tels Ken Loach (Just a Kiss) ou Stephen Frears (My Beautiful Laundrette), Clio Barnard (Le Géant égoïste) propose une romance interculturelle. Une histoire d’amour d’aujourd’hui, dans une Angleterre en proie à ses démons racistes. Un film illuminé par la prestation de Adeel Akhtar et une bande originale pleine de punch qui nous immerge dans la vie de ces deux personnages attachants
Ava et Ali vivent tous les deux dans la petite ville de Bradford, dans le Yorkshire, sans pour autant partager le même quartier. Ava, la cinquantaine, est d’origine irlandaise. Elle est mère de jeunes adultes, nés de pères différents, et travaille comme assistante scolaire. Solaire et enjouée malgré un passé conjugal douloureux, elle tente de faire un peu de bien autour d’elle en aidant les uns et les autres. Ali est d’origine pakistanaise. Il assiste, désolé, à la fin de son mariage. Sa femme a rencontré un autre partenaire, mais ils n’osent pas révéler l’échec de leur union à leurs familles et partagent toujours la même maison. Ali tente d’oublier son quotidien malheureux en composant de la musique.
La rencontre entre Ali et Ava ne semble au départ être qu’une histoire d’amitié. De celles qui se construisent entre deux solitudes, chamboulées par la vie. Les discussions s’enchaînent, leur offrent la possibilité de partager des moments rares où ils réapprennent un peu ce qu’est le bonheur d’une vie à deux. Au fil de leurs confidences, un lien se tisse. Quelque chose qui pourrait bien ressembler à un début de romance amoureuse, mais qui va bien vite être soumis à différentes pressions : sociale, familiale et communautaire.
Il y a huit ans, Clio Barnard avait bouleversé la Quinzaine des réalisateurs en y présentant Le Géant égoïste. Une histoire puissante et terriblement sombre sur l’enfance perdue. Avec Ali & Ava, elle renoue avec cette tradition très britannique de raconter une romance entre deux personnes issues de communautés culturelles différentes. Elle prend aussi le parti de choisir des personnages plus âgés, qui ont déjà un vécu, une histoire. Ce qui rend peut-être cette rencontre encore plus touchante. La fragilité de leur relation (et, on s’en doute, les difficultés qu’elle va entraîner dans la vie des deux amants) est contrebalancée par une bande originale dynamique et enjouée qui enveloppe complètement le film et souligne l’alchimie entre les deux personnages.
L’autre force du film est sans doute aussi la façon dont la cinéaste dépeint la vie des gens dans cette petite ville provinciale où tout le monde se connaît. Clio Barnard fait preuve d’un véritable style pour nous immerger dans l’univers de ses personnages. Le tout est divinement filmé et mis en scène jusqu’au dernier acte.
LAURENCE HOTTART, les Grignoux
