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Une analyse proposée par les Grignoux
et consacrée au film
Les Bureaux de Dieu
de Claire Simon
France, 2008, 2 h 02


L'analyse proposée ici s'adresse à des animateurs qui verront le film Les Bureaux de Dieu avec un large public et qui souhaitent approfondir avec les spectateurs les principaux thèmes de ce film. Elle propos plusieurs pistes de réflexion sur le planning familial vu en particulier à travers le regard de la cinéaste Claire Simon.

Le film

Les «bureaux de Dieu» se situent à l'étage d'une belle maison parisienne. Dans ce qui pourrait être un appartement chic sont installés les salons d'accueil d'un planning familial. Là, des femmes et des jeunes filles, de tous âges, de toutes origines, viennent raconter leur histoire, leurs espoirs, leurs inquiétudes. L'une voudrait prendre la pilule parce que maintenant, avec son copain, c'est devenu sérieux. L'autre est embarrassée par une grossesse non désirée. Une jeune fille cache ses pilules au-dehors parce que sa mère fouille son sac. Certaines sont mortes de trac ou en plein désarroi. D'autres traversent les épreuves sans se départir de leur sourire.

Fiction documentée, Les Bureaux de Dieu procède d'une démarche originale : des entretiens qui ont réellement eu lieu dans un centre de planning sont rejoués ici devant la caméra, par des acteurs et des actrices de renom, qui interprètent les travailleurs sociaux, et par des comédiennes amateurs, qui incarnent celles qui consultent. Avec ce film de Claire Simon, les spectateurs et spectatrices, jeunes ou moins jeunes, sont invités à découvrir le travail des plannings familiaux (où l'on trouve écoute, soutien et réponse à ses questions), mais plus encore toutes les situations auxquelles les femmes sont confrontées. Fait rare au cinéma, il met en valeur la parole des femmes et dans le même temps, leur courage et leur liberté.

Échanger les premières impressions

Le film Les Bureaux de Dieu va immanquablement susciter des réactions, positives ou négatives. Invitons les spectateurs à échanger leurs impressions. Il est en effet naturel de donner son avis, de confronter les réactions après avoir vu un film en groupe.

Une première discussion permettra de dégager des questions, émettre des opinions, ouvrir le débat en somme, un débat qui se prolongera avec les animations proposées dans ce dossier, qui abordent le propos du film, le travail des centres de planning familial, les choix de la réalisatrice. Cette discussion peut être alimentée avec des questions comme :

  • Le film vous a-t-il appris quelque chose ?
  • Quelles qualités reconnaissez-vous au film ?
  • Quels défauts imputez-vous au film ?
  • Y a-t-il des choses qui vous ont choqué(es) dans le film ?

Les centres de planning familial

On présente parfois - à tort - Les Bureaux de Dieu comme un film sur les centres de planning familial. Il est vrai que tout le film se passe dans un tel centre et que les entretiens qui y ont lieu constituent la plus grande partie du film. Néanmoins, les entretiens mis en scène par Claire Simon ne sont pas strictement représentatifs du travail réalisé dans les centres de planning. La réalisatrice a limité son sujet aux questions posées par les femmes en relation avec leur désir de contrôler leur fertilité. Mais le travail des centres de planning est plus vaste. Ceux-ci accueillent également des garçons et des hommes, et d'autres aspects de la vie affective ou sexuelle y sont abordés, les maladies sexuellement transmissibles, les relations hommes-femmes, l'homosexualité, les violences conjugales, etc.

Les personnes qui y travaillent sont des conseillers conjugaux, des médecins, des psychologues, des assistants sociaux.

En Belgique, les centres de planning familial ont différentes missions : assurer des consultations gynécologiques, psychologiques, sociales et juridiques ; assurer l'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle, ce qui se fait par un travail d'animation. Lors des consultations, les travailleurs sociaux écoutent la personne, dans le respect, sans juger, ni culpabiliser.

*

La « planification familiale » est née et s'est développée à partir des années 1 950. De tout temps, les femmes ont voulu exercer un contrôle sur leur fertilité : des moyens de contraception, plus ou moins efficaces, ont toujours été utilisés et des avortements ont toujours eu lieu, dans la clandestinité généralement. Dans les années 60, avec la mise au point de la pilule contraceptive (un moyen contraceptif fiable et pratique), un mouvement de libération sexuelle a vu le jour. La vie sexuelle pouvait, particulièrement grâce à la pilule, être dissociée de la reproduction. Pour que l'accès à l'information soit possible pour le plus grand nombre, des centres de planning familial ont vu le jour. Le droit « d'être femme sans être mère » était ainsi revendiqué par des militantes féministes qui ont aussi combattu pour la légalisation de l'avortement.

Aujourd'hui, en Belgique, certains centres de planning sont habilités à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse. En France, les centres de planning assurent les indispensables entretiens psychologiques avant de fournir une attestation qui permet à la personne de se rendre au centre hospitalier où l'on pratique les IVG.

Au-delà des constats...

Au-delà des constats que l'on peut faire à la vision du film Les Bureaux de Dieu, toutes sortes de questions se posent auxquelles tout le monde ne donne pas les mêmes réponses. Quelques-unes de ces questions sont développées ci-dessous, sous la forme, parfois un peu provocante, d'allégations et de réactions qu'elles pourraient susciter. Invitons les spectateurs du film à en prendre connaissance, à y réagir et à confronter leurs opinions.

Les jeunes comme les moins jeunes sont mal informés en ce qui concerne la sexualité.

  • C'est paradoxal : le sujet n'est plus tabou, les moyens de communication et d'information n'ont jamais été aussi accessibles.
  • Il y a un gouffre entre l'information objective ou scientifique et la réalité vécue des personnes. (Tout le monde sait que le tabac est mauvais pour la santé. Est-ce que ça empêche les fumeurs de fumer ?)
  • Pour « passer », l'information doit être personnalisée, et surtout pas culpabilisante. Or, parmi tous les messages diffusés par beaucoup de médias, il y a beaucoup de « il faut » et de « il ne faut pas ».
  • Bien souvent, l'information « scientifique » n'est pas vraie à 100 %, il y a toujours des exceptions. C'est humain de penser « ça ne m'arrivera pas à moi ».

En ce qui concerne la sexualité, le dialogue parents-enfant est souvent difficile.

  • C'est normal : pour les parents, les enfants seront toujours des « enfants ».
  • C'est peut-être mieux ainsi : la sexualité des adolescents concerne les adolescents et celle des adultes concerne les adultes.
  • Peut-être que certains parents préfèrent ne pas savoir ce que fait leur enfant.
  • C'est sans doute très difficile : il faut à la fois informer, rassurer, ne pas culpabiliser, respecter l'intimité...

La contraception, c'est une affaire de femmes.

  • Ce sont les femmes qui ont un utérus, ce sont elles qui portent les enfants, c'est donc à elles de décider comment contrôler leur fécondité.
  • C'est beaucoup plus pratique pour une femme de gérer la contraception, parce que la pilule, le stérilet ou d'autres moyens de contraception féminine sont à la fois plus fiables et moins contraignants que les moyens de contraception masculine.
  • Pour faire un enfant, il faut être deux. Il est donc normal que la contraception soit envisagée à deux.

Face à une grossesse non prévue, les décisions doivent se prendre à deux.

  • Si c'est la femme qui est responsable de la contraception, elle doit aussi assumer les conséquences d'une défaillance de sa contraception.
  • C'est la femme qui décide seule, parce que c'est elle ensuite qui devra « tout porter ».
  • Le risque de grossesse est pris à deux, il doit être assumé à deux aussi, comme il est préférable d'être deux pour élever un enfant.
  • Ça dépend : quand on est en couple, on partage le plaisir et les responsabilités. Quand on n'est pas ou plus en couple, il est normal que seule la femme décide.

Proportionnellement à la société française, plus de femmes d'origine étrangère consultent le planning.

  • C'est sans doute une réalité sociologique. Les femmes « françaises de souche » bénéficient depuis des années des acquis des luttes féministes. Les femmes et les jeunes filles d'origine étrangère ne sont pas nécessairement issues d'une culture où les femmes ont gagné leur indépendance. L'avortement est illégal dans de nombreux pays !
  • C'est maladroit de la part de la réalisatrice, qui oppose implicitement des femmes « françaises de souche » (qui plus est des actrices célèbres) qui semblent détenir le savoir et des femmes d'origine étrangère, démunies et en demande de soutien.

L'amour, le désir, ça ne se commande pas...

  • Ce qu'on découvre dans les Bureaux de Dieu, c'est que l'amour et le désir échappent en partie à notre volonté consciente. On ne peut pas résister à l'attirance qu'on a pour quelqu'un, même si cela déplaît à nos propres parents et qu'on les respecte. Une femme peut tomber enceinte « sans le faire exprès » sans doute parce que elle est dominée par un désir inconscient. On ne peut sans doute pas comprendre de telles réactions si on ne les a pas vécues soi-même.
  • Ce qui compte, c'est la volonté et le contrôle de soi. On peut maîtriser ses émotions, et prétendre le contraire, c'est en fait se donner une excuse pour céder à ses propres désirs.
  • Cela dépend des personnes mais aussi des circonstances. Le rôle d'un plannig famililal peut être d'aider la personne à voir plus clair en elle-même et de mieux cerner ce qu'elle désire vraiment.

Les centres de planning familial, c'est important parce que ça permet d'échapper à la pression de l'entourage...

  • Comme on le voit dans les Bureaux de Dieu, le planning familial permet aux personnes (esentiellement les femmes) d'exposer leurs problèmes, leurs doutes ou leurs inquiétudes à une personne neutre qui écoute sans juger.
  • Cela risque de favoriser des réactions plus ou moins égoïstes sans tenir compte de l'avis du partenaire ou des parents qui peuvent avoir leur mot à dire.

Prolongement

Pour alimenter ou recadrer le débat, on pourra notamment se référer à l'article suivant, paru dans l’Humanité le 7 février 2009, en relation avec la récente décision du gouvernement français de diminuer les subventions des centres de planning.

Un dossier pédagogique complémentaire à l'animation proposée ici est présenté à la page suivante.
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