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Une analyse proposée par les Grignoux
et consacrée au film
Detroit
de Kathryn Bigelow
États-Unis, 2017, 2h23
Scénario de Mark Boal
Avec John Boyega (Dismukes), Will Poulter (Krauss), Algee Smith (Larry), Jacob Latimore (Fred), Jason Mitchell (Carl), Hannah Murray (Julie), Jack Reynor (Demens), Kaitlyn Dever (Karen), Ben O'Toole (Flynn), John Krasinski (Attorney Auerbach), Anthony Mackie (Greene)


L'analyse proposée ici et consacrée à Detroit de Kathryn Bigelow revient plus particulièrement sur le travail de scénarisation des événements. Elle est complétée par un document au format pdf qui retrace l'histoire des Noirs américains et qui décrit leur situation actuelle. Ce document propose également quelques critiques du film.

Le film en quelques mots

En 1967, des émeutes raciales secouent les États-Unis et la ville de Detroit en particulier. La population noire se révolte contre les multiples discriminations dont elle est l’objet et notamment le harcèlement policier qu’elle subit régulièrement. La répression des émeutes sera violente, et les forces de la police et de la garde nationale commettront de nombreuses « bavures » notamment dans un motel soupçonné d’abriter un tireur isolé et dont les occupants seront brutalisés et, pour certains d’entre eux, froidement assassinés. Ces événements ont laissé jusqu’à aujourd’hui des marques profondes dans la mémoire des Noirs américains, et la réalisatrice « blanche » Kathryn Bigelow en reconstituant une partie de ces événements abordait un sujet sensible, pouvant provoquer des réactions contrastées de différents côtés, ce qui n’a pas manqué effectivement d’arriver.

image du filmPercutant, dynamique, sans manichéisme cependant, Detroit est incontestablement une dénonciation des violences policières que l’opinion publique américaine majoritairement blanche n’était sans doute pas prête à recevoir. Mais des représentants de la communauté noire ont également formulé certaines critiques à l’égard du film qui donne à leur estime une vision partielle et sommaire de cette communauté, négligeant notamment son activisme politique qui était au cœur de l’insurrection[1].

Par ailleurs, beaucoup d’observateurs relèvent qu’en Europe manque ce genre de films à fois spectaculaires (et donc pouvant toucher un large public) et abordant de front la question des discriminations raciales ; plus généralement, ils soulignent la faible représentation, dans le cinéma français notamment, de la communauté noire. Toutes ces raisons justifient une vision réfléchie de ce film, à la fois pour bien comprendre le contexte dans lequel il s’inscrit (hier et aujourd’hui) mais aussi pour en percevoir les limites éventuelles ainsi que peut-être certains biais. Il ne s’agira pas de mettre les polémiques sous le boisseau mais de donner aux spectateurs les moyens de se forger leur propre opinion.

Une analyse de la dramaturgie filmique

L’analyse proposée ici aborde la question de la reconstitution cinématographique d’événements historiques : il s’agira plus précisément de comprendre le processus de scénarisation qui transforme nécessairement les faits authentiques, que ce soit par omission (certains événements ne sont pas représentés), par ajout (certains éléments sont inventés) ou par modification (des faits sont plus ou moins transformés[2]). Au générique final, la réalisatrice signale d’ailleurs honnêtement que, si le film repose sur des faits réels, un certain nombre d’événements ou d’éléments ont été inventés pour des raisons de dramaturgie. C’est cette dramaturgie que l’on propose en particulier d’analyser.

Il est clair en effet pour tous les spectateurs adultes ou adolescents que Detroit ne se présente pas comme un documentaire même s’il contient vraisemblablement un certain nombre d’images d’archives[3] notamment au début. Il s’agit d’une reconstitution fictionnelle — au sens où elle mélange des éléments authentiques et des éléments fictifs[4] — qui obéit vraisemblablement à d’autres contraintes, à d’autres intentions, à d’autres impératifs qu’un documentaire. De façon très évidente, la reconstitution va par exemple montrer visuellement (mais aussi sonorement) ce que s’est passé dans l’Algiers Motel cette nuit-là, alors qu’on ne possède (vraisemblablement) à ce propos que des témoignages oraux, postérieurs aux événements eux-mêmes. Contrairement au documentaire qui devrait ici introduire la distance du témoignage rapportant des faits évanouis, la fiction nous plonge dans le « présent » des événements, dans l’immédiateté d’une situation enveloppante dont ne connaît pas l’issue : même si l’on devine ou si l’on sait par ailleurs[5] que « l’histoire va mal se terminer », on ne connaît pas son déroulé exact ni le sort qui sera réservé à chacun des protagonistes (parmi les victimes, certaines seront seulement brutalisées, d’autres assassinées, et cette incertitude est au cœur de l’implication émotionnelle du spectateur).

Deux grandes parties

Quelle est dès lors la « logique » ou la « structure » organisatrice du film ? En se basant sur ses simples souvenirs de spectateur, l’on constate facilement que le film est organisé en deux grandes parties, entre un avant et un après. Tout le monde garde en mémoire cette longue séquence qui se déroule au motel et dont on pressent l’issue tragique : la tension psychologique — pour autant que l’on manifeste un minimum d’empathie avec les victimes livrées aux mains de leurs bourreaux — atteint son paroxysme avec l’assassinat du dernier témoin qui refuse de couvrir par son silence les exactions policières. On peut parler d’un climax du film, dont la tension retombe ensuite au cours de l’enquête policière et du procès qui devrait juger les coupables. Si l’enjeu dramatique est encore présent, il est certainement moins fort que dans cette longue scène à huis clos dans le motel où la vie des personnages est visiblement menacée.

image du filmLa première partie du film se caractérise donc par une tension qui se met progressivement en place et qui va bientôt croissant. Néanmoins, cette « courbe » ascendante se dessine surtout d’un point de vue rétrospectif, et le début du film se présente à la première vision de manière beaucoup plus dispersée et discontinue. Ainsi, il faut une bonne mémoire pour se souvenir que la première séquence (qui est pourtant relativement longue) se déroule dans un bar clandestin qui va être brutalement fermé lors d’une descente de police. L’événement est présenté de manière abrupte et l’on voit seulement les réactions hostiles de la population noire environnante. Les défenseurs de la cause afro-américaine critiquent — sans doute de façon légitime — cette manière de présenter les choses puisqu’il s’agit là de l’événement déclencheur des émeutes de Detroit : il ne s’agissait pas d’une réaction « épidermique » de la population à une seule intervention policière mais d’une exaspération croissante devant la multiplication de ces interventions arbitraires et discriminantes[6]. (Bien entendu, les défenseurs du film répondront qu’un film, qui fait déjà plus de deux heures, ne peut pas tout montrer, tout expliquer, tout exposer.)

Une autre séquence très violente marque le début du film : l’on suit une voiture de police dont les occupants surprennent un pillard qui aussitôt prend la fuite. Il sera rapidement abattu après une course-poursuite par un des policiers armé d’un fusil à pompe. On ne le sait pas encore, mais c’est ce policier qui jouera le rôle principal dans la séquence de l’Algiers motel. Un peu après, on verra seulement la réaction de son supérieur (au commissariat) qui lui reproche d’avoir tiré sur un pillard sans que cela n’entraîne, du moins à ce moment, la moindre sanction.

La mise en place d’un huis clos

Si l’on réfléchit en termes de structure scénaristique, l’on comprend que le début du film, qui peut sembler très discontinu comme pour montrer les différents aspects du déroulement des émeutes, fonctionne en fait comme une mise en place des différents acteurs qui se retrouveront pris dans le huis clos du motel. Il y a bien sûr le policier raciste et ses acolytes, il y a aussi ces soldats noirs récemment démobilisés dont on fêtait le retour dans le bar clandestin brutalement fermé dans la séquence d’ouverture[7], il y a également ce gardien noir (dont il est difficile de deviner le statut exact[8]) qui protège une boutique et qui se retrouvera pris dans l’engrenage policier. Il y a enfin et surtout ce groupe musical, The Dramatics, dont deux membres iront loger presque par hasard à l’Algiers motel. Tous ces personnages représentent en fait les fils d’une même intrigue qui va effectivement se nouer au motel et conduire au climax du film.

image du filmAinsi, le véritable sujet de Detroit n’est pas les émeutes raciales en elles-mêmes, dont on ne voit que des images éparses alors qu’elles concernaient des milliers de personnes, mais une « bavure » policière particulièrement grave puisqu’elle a conduit au meurtre de sang-froid[9] de trois personnes désarmées. C’est sur cet événement que se cristallisent tous les enjeux notamment émotionnels du film. Comment un tel crime a-t-il été possible ? Mais aussi quels ont été ses effets sur les différentes personnes présentes ?

Dans cette perspective, l’on comprend qu’il y a un déséquilibre dans le traitement des différents personnages, un accent particulier étant mis sur les policiers blancs qui sont effectivement les véritables acteurs du drame, dans le sens où ils sont les maîtres de la situation et les responsables des meurtres. La séquence où l’on voit le policier Krauss pourchasser puis tirer sur un fuyard est évidemment très importante puisqu’elle montre le racisme profond dont il est empreint ; et la suite de la séquence où il est confronté à son supérieur révèle l’impunité de fait dont jouissent les policiers. Par comparaison, les figures du groupe des Dramatics sont nettement moins dessinées : ils semblent uniquement préoccupés par leur prestation, qui sera annulée, et paraissent pour la plupart indifférents aux événements qui se déroulent autour d’eux notamment quand ils sont pris dans le bus pris sous les jets de pierre. Ce n’est qu’au motel que deux de ces personnages prendront de la consistance, quand le chanteur Larry abordera les deux jeunes prostituées avec l’intention manifeste de provoquer le dépucelage de son jeune frère[10]. Mais bien entendu, ce fil d’intrigue à peine esquissé n’aboutira pas.

Des motivations fondamentalement racistes

Le film montre donc les « raisons » du meurtre, même si ce sont de « mauvaises » raisons. Il y a bien sûr le racisme qui motive toutes les actions de Krauss et de ses acolytes. Il y a aussi la peur presque paranoïaque des policiers et de la garde civile qui ripostent de manière démesurée au moindre coup de feu (ou au bruit d’un coup de feu…). Il y a aussi un enchaînement de circonstances qui expliquent (même si cela ne vaut évidemment pas justification) que les policiers s’entêtent dans la recherche d’une arme inexistante : Krauss a investi violemment le motel, il a abattu un fuyard à côté duquel il a placé un canif (pour faire croire à une possible légitime défense…), il a défoncé les portes et aligné brutalement les occupants contre le mur d’un couloir, mais toutes ces actions « guerrières » n’aboutissent à rien… Il s’entête donc parce qu’il est persuadé d’avoir raison et qu’il doit bien y avoir une arme quelque part !

L’enchaînement des circonstances le plus absurde, bien mis en scène cependant dans le film, conduit au meurtre de la deuxième personne, le jeune Aubrey Pollard : alors que Krauss a procédé à des simulacres d’exécution[11] pour effrayer les témoins, il charge ensuite son acolyte Demens d’agir de même, mais celui-ci est « victime » d’un malentendu et il exécute réellement le jeune homme ! Le « piège » se referme alors sur Krauss qui doit contraindre les témoins à se taire de gré ou de force. Deux d’entre eux obéissent (Greene, le soldat démobilisé, et Larry, le chanteur des Dramatics), mais Fred, qui refuse de dire qu’il n’y a pas eu de meurtre, est à son tour abattu.

image du filmLes rapports hiérarchiques sont également bien mis en évidence, qui expliquent que ni le vigile Dismukes, ni les responsables de la garde civile n’interviennent réellement pour contrer Krauss (qui est vraisemblablement officier de police), et ils essaient seulement de « limiter les dégâts » sans grand succès. On se souviendra qu’un garde civil (mal identifié) permettra néanmoins à l’un des prisonniers de s’échapper dans la nuit.

Bien entendu, les circonstances ne jouent qu’un rôle mineur, et c’est le racisme profond de Krauss et de ses acolytes qui explique d’abord ces meurtres. La présence de deux jeunes femmes blanches au motel a ici toute son importance à la fois comme révélateur et comme catalyseur de ces attitudes racistes : pour le policier, si elles se trouvent dans une chambre avec un Noir, ce sont nécessairement des putains[12] et lui ne peut être qu’un maquereau ! Et l’on voit comment cette présence de femmes blanches suscite chez les policiers une haine et un mépris exacerbés, ainsi que des violences nouvelles à l’encontre des Noirs présents mais aussi de ces jeunes femmes.

Dans la première partie du film, le rôle actif (et bien sûr néfaste) est essentiellement joué par les Blancs dont les motivations sont largement exposées. Les Noirs présents (si l’on excepte Dismukes) sont, au cours de cette très longue séquence, essentiellement des victimes de l’arbitraire policier et ils ne peuvent guère que réagir à des événements dont ils ne sont pas maîtres. Ce qu’ils sont intimement, ce qu’ils pensent, ce qu’ils ressentent au plus profond d’eux-mêmes, n’a à ce moment que peu d’importance, et leur comportement — contrairement à celui de Krauss[13] — s’explique d’abord et avant tout par les circonstances dramatiques dans lesquels ils sont plongés malgré eux : ils essaient de survivre, et n’importe qui dans la même situation réagirait vraisemblablement de la même manière.

Des réactions contrastées

Si la première partie du film montre ainsi « comment cela a été possible » en mettant surtout en lumière les motivations des policiers blancs, la seconde partie va elle exposer les conséquences de ces meurtres et leurs effets sur les protagonistes mais également sur la société environnante. Dans la première partie déjà, l’on voit certaines réactions des prisonniers noirs qui tous essaient sans doute de sauver leur vie mais qui vont également adopter des comportements différents au moment décisif : Greene et Larry comprennent qu’ils doivent taire ce qui s’est passé s’ils veulent pouvoir s’échapper, mais Fred refuse d’admettre qu’il n’a rien vu et il est brutalement assassiné par Krauss. Il est important de revenir sur sa réaction car elle peut être interprétée au moins de deux manières différentes : soit Fred ne comprend pas ce que lui demande Krauss (qui le forcerait à avouer quelque chose de faux dans une espèce d’ultime torture morale[14]) et il pense que de toute façon il va mourir ; soit sa réaction est essentiellement de nature morale et il refuse de consentir à un mensonge qui lui laisserait (possiblement…) la vie sauve. Que l’on penche pour l’une ou l’autre interprétation importe sans doute assez peu : Temple montre par son attitude que, même dans une situation d’extrême assujettissement, l’individu garde une liberté de choix qui lui permet de refuser l’ignominie.

image du filmLa seconde partie du film, plus courte, mélange les fils de différents événements, montrant les familles des victimes, incrédules à l’annonce de la mort de leurs proches, mais aussi l’hospitalisation de Larry, le chanteur, dans un état pratiquement comateux, ainsi que l’interrogatoire du vigile Dismukes qui, de témoin, se retrouve bientôt en position d’accusé. La première personne mise en accusation est un Noir ! Certes, les trois policiers blancs impliqués sont à leur tour interrogés, mais la manière de mettre en scène ces interrogatoires (dont on ne voit rien pour les deux premiers) nous montre un supérieur qui, depuis la porte du bureau, interpelle ces hommes comme un père furieux pourrait réprimander des gamins turbulents : ceux-ci semblent avoir fait une gaffe, pas commis un crime. Et quand Krauss sera à son tour interrogé, l’intervention de son avocat mettra fin immédiatement à cet interrogatoire.

Dans le procès qui s’ensuivra, l’on verra alors une moitié de l’assistance composée de policiers en uniforme et l’autre de civils noirs, sans doute apparentés aux victimes. Et bientôt, le juge décidera que les réponses aux interrogatoires menés en l’absence d’avocats[15] sont invalides et ne peuvent pas être retenues par le tribunal. La réalisatrice Kathryn Bigelow ne doit dès lors même pas poser de façon insistante sa caméra sur le jury composé uniquement de Blancs pour que l’on comprenne que le procès est biaisé.

Cette séquence du procès, aussi courte et sommaire soit-elle, montre bien deux groupes face à face mais aussi leur statut tout à fait inégal comme le révèle l’interrogatoire des témoins à qui l’avocat des accusés reproche notamment un passé de délinquant… La parole d’un Noir ne vaut donc pas celle d’un Blanc. L’issue du procès (que beaucoup de spectateurs, en particulier européens, ne connaissent sans doute pas avant de voir le film) peut encore sembler incertaine, mais le verdict révèle bien que tout le système judiciaire est inéquitable, protégeant jusqu’au bout ses « brebis galeuses ». En sortant du tribunal (qui va pourtant bientôt l’innocenter), le vigile Dismukes ne peut que vomir son dégoût ! Dégoût mais aussi colère et révolte des parents des victimes, que partagent certainement les spectateurs.

Un final symbolique

image du filmPlus significatif sans doute, dans la structure du film, que l’issue de ce procès, l’épilogue nous montre le personnage de Larry qui a perdu son frère et qui renonce à participer au groupe des Dramatics. Resté seul dans un appartement misérable, il demande à faire partie d’une chorale d’église, où il est finalement accepté, et le film se termine par le chant de Larry interprétant un negro spiritual.

Ce personnage symbolise ainsi de la manière la plus nette les conséquences de l’affaire de l’Algiers motel même si son attitude peut être interprétée de différentes façons : retrait du monde, traumatisme psychologique[16], renaissance spirituelle… Le choix de Kathryn Bigelow et de son scénariste Mark Boal de conclure sur Larry est en tout cas hautement significatif : encore une fois, le film est moins une représentation collective des émeutes de Detroit que la mise en scène d’un événement particulier, singulier même, dont les conséquences sont montrées dans une figure incarnée, un individu que l’on peut dire totalement bouleversé, au sens le plus fort du terme, par ce qu’il a vécu. C’est cette émotion-là que la réalisatrice a voulu laisser en dernière impression aux spectateurs.


1. Les défenseurs de la cause des Noirs parlent significativement d’uprising (soulèvement, révolte, insurrection) pour qualifier ces événements et non pas de riot (émeute, bagarres violentes, déchaînement de violence désordonnée).

2. De manière formelle, on pourrait dire que toute transformation est une combinaison d’adjonctions et de suppressions (cf. à ce propos Groupe µ, Rhétorique générale, Paris, Seuil, 1982, éd. or. : 1970). Dans le cadre de l’analyse proposée ici, il n’est cependant pas nécessaire d’atteindre un haut degré de formalisme.

3. Avec les techniques numériques de traitement des images, il est devenu très difficile de distinguer, d’une part, de véritables images d’archives caractérisées souvent par un grain important, une accentuation des contrastes et la désaturation de certaines couleurs, et, d’autre part, des images reconstituées, traitées pour donner la même apparence de document « brut ». Dans le film de Kathryn Bigelow, les images d’archive sont sans doute reprises moins pour leur valeur informative, moins pour « montrer la réalité » que pour signifier : « les faits rapportés dans ce film sont bien authentiques comme en attestent ces images d’archives ».

4. Deux articles (en anglais) permettent notamment de préciser la part factuelle de cette reconstitution et les éléments transformés ou inventés : http://screenrant.com & http://www.slate.com.

5. Nous pouvons le savoir par connaissance des événements historiques évoqués ou par la maîtrise de conventions du cinéma de fiction : l’on devine assez rapidement que tout cela va tourner au drame…

6. Selon le HuffingtonPost notamment.

7. Le soldat qu’on retrouve à l’Algiers motel n’a rien à voir (semble-t-il) avec ceux aperçus dans le bar clandestin : il s’agit juste d’une continuité thématique (et non de personnage) qui souligne l’importance de la guerre du Viêt-nam qui a mobilisé en grand nombre les jeunes Noirs.

8. Melvin Dismukes était un vigile privé. Bien que cela n’apparaisse pas clairement pour beaucoup de spectateurs (surtout européens), il fut traduit devant le même tribunal que les trois policiers, tous étant accusés de « conspiration à l’encontre des droits civils » des occupants du motel. Tous les quatre ont donc été jugés non coupables par le jury composé de neuf membres uniquement blancs.

9. En droit européen, l’on parlerait plutôt d’assassinat (c’est-à-dire d’un meurtre avec préméditation) : aux États-Unis, on utilise les qualifications de meurtre au premier degré (un meurtre aggravé par certaines circonstances comme la préméditation) ou au second degré (de gravité moindre).

10. On connaît l’ambiguïté du terme « brother » dans le langage des Afro-Américains : Fred n’était pas le frère (biologique) de Larry, mais en utilisant le terme « brother » sans précision, le film donne bien l’impression inverse.

11. D’un point de vue judiciaire, un tel geste serait certainement assimilé à une forme de torture aussi bien pour la personne qui en est l’objet que pour les témoins indirectement menacés.

12. Le film les présente effectivement comme des prostituées mais ne pose aucun jugement de valeur à leur égard.

13. Que les prisonniers détestent ou non les Blancs ne change rien à leur situation, alors que le racisme de Krauss est, on l’a dit, le moteur de l’action.

14. Il faut souligner que, du point de vue des prisonniers noirs, le comportement de Krauss est celui d’un psychopathe plus ou moins déséquilibré : il exige qu’on lui remette une arme que les principaux protagonistes n’ont pas vue, il abat des témoins de sang-froid, il brutalise les autres témoins apparemment par pur sadisme ou racisme… De ce point de vue, les propos que Krauss adresse à son prisonnier sont apparemment absurdes (« Je ne vois rien ») si du moins celui-ci n’en comprend pas le sous-entendu. (À plusieurs reprises, prisonniers et gardes civils disent que les policiers sont fous, déments.)

15. Plus exactement, on n’a pas lu leurs droits (dont celui de garder le silence) aux personnes interrogées.

16. On se souviendra que les policiers obligent les prisonniers à l’Algiers motel à prier et que Larry se met à ce moment à chanter, ce qui fait d’ailleurs rire Krauss et ses acolytes. Le chant final est comme une répétition de cet épisode, répétition qui aurait précisément pour fonction de maîtriser le trauma.

affiche belge du film

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